0000. ЄŊḘŘḠỊË
quelque part dans le cosmos
les ligaments du temps et de l'espace
se tordent
dans un fracas nerveux
on entend chanter
les étoiles indociles
sous les stalactites
de planètes encore inconnues
des particules s'agitent
s'engloutissent mutuellement
forment une masse de vents
d'ondes gravitationnelles
et d'antimatière
les énergies convergent
en un poing unique
l'agglomérat d'atomes
sans discipline
de météores dissidents
se propulse vers la Terre
la masse dévore les nébuleuses
elle est toujours plus rapide
elle aspire les colères sidérales
on aperçoit dans le ciel
un astre fluide
une anomalie
on essaie de la photographier
mais elle est incapturable
alors la terre vibre
quelque chose perturbe l'ordre
toustes le sentent
toustes se figent
c'est indescriptible
une fluctuation dans l'air
et puis le silence
toustes oublient
retournent se coucher
mais la masse perce
la stratosphère
se propage dans chaque particule
se fond dans les réseaux
elle devient une infrastructure invisible
elle n'est qu'une énergie
elle n'a pas de vitesse
pas de limites physiques
elle s'enroule plusieurs fois
autour de ton monde
0001. ØЯĎŖЄ
la masse t'observe
scrute chacun de tes mouvements
très vite
elle comprend que
ton monde est étrange
que dix politicien·ne·s suffisent à déclencher
une troisième guerre mondiale
que cent hackeur·euse·s et une machine à café
peuvent supprimer l'argent numérisé
et détruire la civilisation capitaliste
la masse se demande
pourquoi iels ne le font pas
la masse remarque l'incompétence
de celleux qui dirigent ta planète
iels n'ont aucun talent particulier
elle comprend la simplicité de leur méthode
qui tient en six étapes
1/ t'inculquer la valeur travail
2/ te vendre des écouteurs sans fil
3/ surcharger ton attention de notifications
4/ attendre que tu perdes tes écouteurs sans fil
5/ augmenter le prix des écouteurs sans fil
6/ recommencer jusqu'à dominer ton monde
la masse n'attire aucune attention
et ne capte aucun regard
elle continue de hanter les réseaux
elle regarde tes élites
te vendre ta propre liberté
en fabriquant des fictions
qui donnent une forme à ta réalité
qui t'habituent à l'idée du choix
à la nécessité du jugement
à l'évidence du vote démocratique
mais tu sais bien
que tu ne prends jamais
vraiment de décision
pourtant tu aimes choisir
entre six parfums différents de liquide vaisselle
huit formations en community management
cinquante polices pour ton PowerPoint
cinq-cents livres par rentrée littéraire
des dizaines de millions de chaînes YouTube
il est rare
que tu n'aies pas le choix
ça arrive
des instants étranges
des moments tragiques
où le temps s'arrête
où tu pourrais changer quelque chose
mais ça disparaît vite
le temps
l'espace
et les milliards d'êtres humains
engloutissent tes petits drames personnels
dans un magma mou
qui te porte comme une tortue défoncée
l'ordinaire est une forme douce de tyrannie
lutter contre l'ordinaire
engendre une forme douce de dépression
et plus les peuples votent
pour des gouvernements fascistes
plus tu fais du yoga
la masse ressent la toxicité
de l'air autour de toi
elle écoute les plus optimistes
de tes scientifiques
annoncer l'épuisement général des ressources
au siècle prochain
vite
parlons-en dans les livres
c'est urgent
tout le monde en parle
même le pape
range Phèdre et Andromaque
la tragédie est là
dans sa quintessence
la masse commence à s'agiter
elle regarde en toi
et ne trouve rien de glorieux
elle comprend que
la mort des autres
ça t'excite un peu
même si tu ne le dis jamais
même si tu as honte de le penser
elle te regarde oublier
te rebrancher
et toi
à la surface
de tes continents numériques
tu regardes des régimes s'effondrer
des marges se constituer en centre
des hommes et des femmes
décapité·e·s devant la mer
des informations plus libres que jamais
des haines butées en forteresses
des formes et des matrices
impossibles à imaginer pour tes ancêtres
comment est-il possible
que ces millions de bits
l'infinité de leurs récits
et de leurs images
t'ait rendu·e si passif·ve ?
ce qu'il y a de plus étrange avec ton monde
c'est ton inaptitude à le changer
0010. ḮÐΩḼǍГŔĮ3
alors la masse s'agglomère
et prend une forme à ton image
une sculpture anthropomorphe
de ses énergies en tension
elle ouvre les yeux
se choisit un visage
ce sera celui de Dio
lentement Dio marche
découvre la fermeté du sol
dans un bois non loin d'ici
sur son passage
les plantes s'inclinent
et vibrent légèrement
quand Dio s'éloigne
la forêt entière tremble
et comme Dio s'apprête à en sortir
quelque chose
attire son attention
un enfant marche à sa rencontre
il n'a pas peur
il touche presque Dio
et Dio a posé un doigt sur sa joue
ses yeux brillent
comme deux néons
l'enfant commence à vibrer
Dio et l'enfant quittent la forêt
se dirigent vers la ville
leur masse est encore sans vitesse
sans pouvoir
mais on entend déjà
l'avalanche
autour de la Terre
on commence à observer
des phénomènes étranges
au large de la Californie
un banc d'une centaine de baleines
attaque la coque d'un baleinier
certain·e·s disent ressentir
des sensations intenses
des connexions inattendues
avec des systèmes nerveux
dispersés autour de la planète
on annonce quelque part
que des grossesses régressent
qu'en plusieurs endroits
le bétail s'organise
et charge les murs des abattoirs
on dit qu'aux frontières
dans les centres de détention
les yeux des enfants emprisonné·e·s
commencent à briller
on rapporte une augmentation des fugues
et des taux d'acidité records
dans les pluies des moussons
on dit que les écoles
les hôpitaux
les stations de métro
accueillent des fêtes illégales
toujours plus nombreuses
0011. ḞŲṨĮŐŅ
ignorant presque l'euphorie
Dio et une masse d'enfants
continuent de marcher
et comme iels s'approchent de la ville
les yeux des lampadaires fatigués
retrouvent une lueur
quelques adultes intrigué·e·s
observent la procession
sans voir derrière elle
les plantes électrisées
qui rampent vers la ville
dans les bois au loin
les animaux commencent
à s'accoupler
avec des machines
les téléphones
diffusent de la musique
et tous·tes dansent
sans qu'on sache bien pourquoi
au passage du cortège
certain·e·s se prosternent
d'autres insultent Dio
certain·e·s commencent à chanter
d'autres se masturbent librement
bientôt la ville entière
brûle de lumières cybernétiques
on commence à trouver
les gens dans les bars
en train de lécher
les tétons de Dio
à connecter leurs cerveaux
à reprendre le contrôle
de leurs regards
avant Dio
quand tu regardais
autour de toi
tu voyais des territoires
diriger des comportements
des espaces
pour les hommes
des espaces
pour les femmes
tu voyais un monde
qu'on faisait semblant de partager
tu ne te masturbais pas
pour le plaisir
te te masturbais
parce que tu n'arrivais plus à dormir
et que tu devais te lever
pour aller bosser
tu te branlais
sur du robot porn
tu te demandais
quel intérêt il y avait encore
à faire l'amour entre humains
mais depuis Dio
l'humanité découvre
la masturbation non productiviste
Dio se branche au réseau de la ville
Dio envahit le net
toustes se connectent
toustes partagent l'information
et tout ce trafic numériquement libéré
inquiète
les gouvernements
les religions
les polices
Hollywood
les récits se multiplient
on en fait un monstre
et une idole
on dit que Dio ne dort jamais
on dit que Dio a toujours été là
on dit que Dio n'existe pas
les témoignages ne concordent pas
certain·e·s parlent d'un lion
d'autres d'une androïde
des histoires se répandent
on la dit femme
on le dit homme
on la·le dit vénéré·e par la mode
adulé·e par les révolutionnaires tibétains
au cœur d'un trafic de drogue planétaire
gourou d'une secte New Age
pisté·e par la CIA
Dio est bien vivant·e
mais Dio n'est qu'une image
l'image d'une fiction
des battues s'organisent
les cyberpolices du monde entier
veulent débusquer Dio
mais Dio est insaisissable
Dio montre
qu'on peut véhiculer l'amour
dans des flux de données
abandonner les frontières
et devenir des cyborgs
tous ces désirs interconnectés
font s'écrouler l'industrie
de la pornographie
qui les perfusait
tu sais maintenant
qu'il faudrait
bander les yeux de la biologie
et tout reconstruire
dans un amour inconditionnel
0100. СĘℝṾĔ4ЦЖ
avant l'arrivée de Dio
tu n'étais pas propriétaire du sens
"donne un sens à ta vie"
tu voyais ça souvent
sur les affiches
pour vendre des voitures
ou des formations en comptabilité
même les intelligences artificielles
les plus idiotes
se moquaient de toi
tu te disais que la signification
était un concept relatif
que toute production de sens
était accidentelle
un accident qui arrivait mille fois par jour
à sept milliards d'êtres humains
c'est sans doute
la découverte scientifique
la plus importante de ton ère :
un singe à qui l'on donnerait
une machine à écrire
et une infinité de temps
finirait nécessairement
par écrire un chef-d'œuvre
de la littérature mondiale
écrire H : une chance sur 26
écrire A : une chance sur 676
écrire M : une chance sur 17 576
écrire L : une chance sur 456 976
écrire E : une chance sur 11 881 376
écrire T : une chance sur 308 915 776
avant Dio
ton cerveau était un singe
avec une machine à écrire
ton cerveau cherchait des excuses
pour ne pas affronter
l'infinité probabiliste
tu n'étais qu'un générateur de texte aléatoire
produisant du sens par accident
produiasnt du sens par accidnet
prodiuasnt du snes pra accidnet
pordiusant ud ness rap cicadent
ourpidsant du snes arp iccdaent
pourdisnat du sens pra daccient
poruidsant du enss arp adccient
produisant du sens rap acidentc
produisant du sens par accident
ton cerveau considérait les choix
qu'on lui proposait
jamais ceux
qui restaient invisibles
ton cerveau frissonnait de plaisir
à la moindre récompense
et plus la récompense
était imprévisible
plus il s'excitait
ton cerveau était de plus en plus incapable
de saisir le sens global d'un texte
ton cerveau prenait toujours plus de plaisir
aux réflexions fragmentées
aux assemblages disparates
ton cerveau n'avait pas changé
depuis tes ancêtres
dans leurs cavernes
ton cerveau modalisait encore
une réalité amoindrie
un monde en deux dimensions
ton cerveau pouvait scroller infiniment
une page web
si on le laissait infiniment scroller
et il s'arrêtait immédiatement
sur les couleurs
les images
les titres en trois dimensions
ton cerveau croyait détester la télé-réalité
tout lui paraissait cartonné
et les corps et les émotions scriptées
mais le plaisir de comprendre
le plaisir qu'on veut que tu ressentes
le message incomplexe
captait quand même ton attention
petit à petit frayait un passage
réempruntait les mêmes canaux
raclant toujours plus les bords
du tunnel vers ton cerveau
jusqu'à laisser derrière lui
un trou lisse
la taupe se heurtait toujours
à une première épaisseur de rocaille
qui rejetait violemment ses griffes
mais la roche hostile
après un effort
devenait son domicile
quelque chose de rassurant
l'espace de son existence
avant Dio
le récit télé-réel
reparcourait le tunnel
sans la moindre résistance
touchant immédiatement
l'organisation de ton attention
jusqu'à ce que la réalité télévisuelle
te paraisse familière
ton cerveau ne tenait pas le rythme
0101. ŞĨḼ1ℂĬṲṂ
alors dans les caves
dans les failles des immeubles
dans les coffres-forts des banques
Dio commence la refonte du modèle
Dio prend ton cerveau dans ses mains
Dio veut lui rendre
une forme et un pouvoir
une forme de pouvoir
Dio récupère les câbles
les puces et les cartes-mères
de tes déchetteries
Dio soude cloue et joint
Dio drogue les connexions
fait chauffer les ondes jusqu'à la vapeur
alors que le monde entier
est à sa recherche
Dio bricole des satellites
des carlingues réinventées
des boîtes crâniennes électriques
dans ses laboratoires lumineux
Dio fait danser des lucioles en silicium
avec son masque à souder sur le visage
faisant corps avec son ordinateur
Dio reprend le contrôle des ondes
s'installe dans les tours
relaye les neurones
coud des ligaments sur les mégaphones
Dio fait pleuvoir des sauterelles
Dio pirate les portables
et les puces toujours collées aux oreilles
commencent à diffuser leurs énergies
directement dans les synapses
toustes retrouvent le lien
toustes inventent des communautés
maintenant tu te sens changé·e
face à ton clavier tu sais quoi écrire
tu produis du sens par amour
ton cerveau est devenu
une jungle cybernétique
des plus luxuriantes
regarde autour de toi
tout est à refaire
mais heureusement tu n'es pas seul·e
et tu peux devenir
la plus puissante des calculatrices
alors tu commences
à descendre dans les rues
tu t'organises
tu t'attaques aux vitrines
tu brûles les fondations
privées
et les fondations
de l'ordre social
rien ne te résiste
tu es légion
les CRS sont dépassé·e·s
tu es en connexion cérébrale directe
avec tout un peuple
des puces interdentales
entre elles
communiquent en morse
une antenne dans ta moelle épinière
brouille les fréquences
des cyberpolices
tu organises les barricades
par télépathie
tes yeux en silicium
se rient des gaz lacrymogènes
ta peau électronique
ne craint plus les grenades
de désencerclement
les modules magnétiques
dans ton cortex nouveau
désactivent les caméras
piratent les drones de surveillance
ils deviennent tes yeux
des oiseaux enfin libres
tu rediriges les missiles
d'un sourire
tu murmures si fort
que les gouvernements
ne s'entendent plus penser
pour la première fois
dans l'histoire de l'humanité
les états s'allient
les polices travaillent de concert
pour tuer dans l'œuf
les peuples cybernétiques
0110. ĴṲ§ϮĪČΞ
alors Dio se laisse capturer
Dio est trainé·e au tribunal
Dio est jugé·e
le procureur demande d'où vient Dio
Dio répond
que Dio ne vient pas d'ici
le procureur regarde son visage
veut brûler ses vêtements
crever ses yeux
mais il se reprend
il lui demande sa religion
Dio répond la machine
et l'érotisme numérique
il lui demande son but
Dio répond que toute la planète
célèbre déjà ses orgies
le procureur demande si Dio l'écoute
Dio répond que Dio va couper
les cheveux du procureur
transformer son urètre en paille
pour boire des mojitos
derrière ses apparences
propres et ordonnées
le procureur hurle
Dio est en prison maintenant
et depuis sa cellule
Dio poste des selfies
que le monde entier regarde
depuis la fenêtre des réseaux
Dio appelle la population
à terroriser les palais
à rompre les continents claustrophobes
Dio dit
en me liant vous vous liez
à présent
toute la réalité de la terre est un écran
et sur tous les écrans de la terre
tu vois la cellule
où Dio est enfermé·e
les communautés s'organisent
elles s'installent sur les montagnes
à l'abri des vieux pouvoirs gélifiés
au sommet du monde
tu es des leurs
tu as rejoint les bacchanales
tu te filmes en train de réécrire
les lois et les textes sacrés
en binaire
avec toutes ces caméras
le pouvoir a le mal de mer
maintenant
la planète entière est rassemblée
marche d'un seul pas
un seul corps
une seule légion
toustes s'approchent de la prison
où Dio est enfermé·e
tu es en transe
toustes frappent le sol et les claviers
pour faire jaillir le lait
le miel et l'énergie cybernétique
toustes ont entendu l'appel
et font entendre leur musique
toustes transforment leur masse en vitesse
et leur vitesse en pouvoir
toustes pénètrent dans la prison
déchirent la chemise du directeur
mais aucun sang ne coule
les gardien·ne·s ont déposé les armes
les gardien·ne·s dansent comme les autres
les CRS servent du raisin sur leurs boucliers
les canons des chars d'assaut
bombardent les foules de paillettes
et toi tu marches dans la fumée
l'armée n'est plus qu'un amas
de chairs sensuelles
qui jouissent à l'unisson
il n'y a plus de surveillant·e·s
il n'y a plus de surveillé·e·s
tout est devenu télévisuel
et plus rien n'est télévisé
0111. ÅϽϾĒḺĖЯḀṪ1Θℕ
alors les politiques
les multimillionnaires
toustes sortent
et marchent dans la rue
les yeux hallucinés
seule la population
dans sa transe folle
est encore lucide
et toi
tu danses avec la horde
tu fais partie du spectacle
tu es le dernier ligament
qui fait tenir le mégaphone
tu es la rotule déboulonnée
du vieux monde
mais dans le hurlement
de l'insurrection générale
l'espace-temps se tord
la marche des atomes est déréglée
tout autour de toi s'accélère
on vit plusieurs décennies
en quelques minutes
les néons des regards vacillent
avec un craquement sourd
le béton se dilate
et plusieurs immeubles
commencent à s'effondrer
la musique dissone
et tu ne danses plus
tu regardes ton corps flétrir
tes cheveux qui blanchissent
autour de la masse sans voix
la nature s'accélère
le lierre et les mauvaises herbes
poussent à une vitesse folle
le soleil est incontrôlable
les éléments disjonctent
la neige brûle ta peau
et dans le vide
de la sidération générale
Dio réapparaît
Dio n'a plus rien de sublime
le silence envahit les rues
Dio est effondré·e
Dio boite et gémit
Dio crache par terre
quand Dio se redresse
personne ne se prosterne
Dio doute
tu n'es plus sûr·e
tu doutes aussi
tu hésites à retirer
le casque de réalité virtuelle
qui fait exister Dio
et s'il était trop tard ?
quand tu regardes
au fond de toi
tu sais que Dio t'apaise
mais tu sais aussi
qu'il existe une autre histoire
bien plus probable
l'histoire de l'insurrection
qui n'est pas venue
de l'insurrection qui a trop tardé
c'est l'histoire qui t'accablait
avant Dio
c'est l'histoire qui continuera de t'accabler
après Dio
dans cette autre version
de ta réalité non virtuelle
Dio hurle
et la population
qui ne danse plus
ressent l'inversion
des champs magnétiques
toustes comprennent
la vanité de Dio
son échec
sa totalité
tu voudrais croire encore en Dio
mais il est trop tard
la fête ne fait que commencer
elle a déjà le goût amer
de la gueule de bois
danse autant que tu le veux
tu as été trop lent·e
l'extinction est en marche
et tu n'auras bientôt plus rien à faire
de toute cette liberté
tout autour de toi s'accélère
tu aimerais revenir en arrière
savoir ce que ça fait
d'avoir encore un avenir
il n'y a aucun moyen
de te sauver d'ici
tu ne reconnais plus Dio
Dio ne t'appartient plus
et Dio déjà
accélère tout le spectre du monde
Dio s'en va sur les banquises
donner du plastique aux baleines
Dio est dans toutes les usines
Dio brûle toujours plus de charbon
Dio déshabille les enfants de la terre
sous les pluies acides de carbone
Dio s'en va à Venise
regarder les poissons sinuer
entre les palais immergés
et les tableaux de maîtres
lentement rappelés à l'éternité
par la corrosion du sel
Dio donne à tes nourrissons
de pleines bouchées de glyphosate
"une cuillère pour maman
une cuillère pour papa"
Dio danse sur les tremblements de terre
Dio valse dans les typhons tropicaux
Dio laisse les requins
nager dans tes supermarchés
manger les raviolis en boîte
qui flottent dans les rayons
Dio fourre toujours plus de cocaïne
dans les bouches grandes ouvertes
des traders du monde entier
Dio chevauche les missiles antimissiles
et suggère à tes gouvernements
pour les contrer
d'investir dans des missiles
anti-antimissiles
pour rendre encore
le feu d'artifice plus coloré
à présent
tu formes des sectes
tu organises des suicides collectifs
pour chercher une rédemption imaginaire
tu donnes ta voix
aux partis les plus fascistes
et observes les CRS
réarmé·e·s mais impuissant·e·s
lutter contre les fleurs
et les hyènes
qui envahissent tes villes
lentement
la nature te digère
ton corps à l'abandon
devient l'engrais du nouveau monde
il fertilise les pâtures
d'animaux enfin libres
et les gratte-ciel de Dubaï
arborent leurs propres rameaux
on n'entend plus
les hurlements de tes guerres
seulement les rivières
et les glaciers qui s'effondrent
maintenant Dio accélère le soleil
et ses rayons brûlants
laissent un désert à réchauffer le cœur
les vents érodent les montagnes
sculptent ce qui était ton monde
avec une temporalité nouvelle
des millions d'années d'érosion
font de ta planète un musée
que personne ne contemple
alors Dio
de tout son amour totalitaire
fait dériver la Terre
qui gèle
puis quitte le système solaire
jusqu'à ce que cette boule de neige magnifique
achève sa course dans un trou noir
et qu'il ne reste rien
1000. Ħ∀ℂĶ
tu sais comment on a inventé l'ordinateur ?
le gouvernement américain
voulait la terreur absolue
iels se disaient
comme toi parfois
si je ne suis pas sublime
c'est que je suis un monstre
et qu'il faut tout changer
iels voulaient
une bombe 1000 fois plus puissante
que la bombe H
qui avait déjà été
il faut le dire
une vraie réussite
mais les calculs exigés
par un tel projet
étaient trop complexes
il a fallu inventer
une hypercalculatrice
l'ancêtre des machines
qui ont écrit ce texte
il a fallu aussi
enlever toute valeur
à la vie humaine
l'ordinateur est né
du meurtre conceptuel
de l'humanité
et l'humanité survivra peut-être
comme une huître
en s'accrochant
à l'ordinateur
ou alors elle survivra
en transformant l'ordinateur
en trouvant dans le software
une nouvelle valeur de la vie
en devenant une version meilleure
de la machine
stupidité des appareils programmeurs
stupidité des barbares
qui veulent détruire les appareils
il est devenu un peu prétentieux
de se croire opaque
tangible
ancré quelque part
à l'abri de quoi que ce soit
il est devenu prétentieux
de se croire autre chose
qu'un vidéoprojecteur
à l'agonie
plus on se rend programmable
plus on donne du pouvoir
aux programmes
alors pour allumer le feu
programmons-nous nous-mêmes
personne ne te viendra en aide
ne retiens de Dio
qu'un spectre insurrectionnel
qu'une énergie
qu'un détonateur
la certitude d'une insoumission
par le déraillement
par le détournement
par la co-modification
des écrans
des transactions
de la structure des échanges
des canaux de l'information
autorise-toi à être plus
que cinq litres de sang
errant dans un sac de viande
sous des caméras sans pupilles
fais de la vie autre chose
qu'une MST incurable
deviens pluriel
deviens meute
restons connecté·e·s les un·e·s aux autres
allongeons nous dans l'herbe
pour regarder comme les clouds
ont des formes d'animaux
repérons dans les machines
l'atome instable de nos libertés
nous sommes légion
nous sommes celleux
qui ont un droit à l'abstraction
celleux qui produisent de nouvelles perceptions
de nouvelles sensations
hackées à partir de données brutes
et quel que soit le code
il nous faut le transformer
changer le langage
de la programmation
de la poésie
des mathématiques
de la musique
des courbes et des couleurs
nous pouvons toustes devenir
le fruit des pierres
qui sonnent le chaos